Rechercher dans ce blog

lundi 19 décembre 2022

L' Après M

Article paru dans Reporterre le 19 décembre 2022

ReportageLuttes

À Marseille, le fast-food qui « pense aux humains et pas aux bénéfices »

La lutte des salariés et de militants associatifs pour créer un lieu solidaire a payé : dans les quartiers nord, un ancien McDonald’s, rebaptisé L’Après M, est désormais un « fast-food social ».

Marseille (Bouches-du-Rhône), reportage

Entre deux clients, sur la terrasse du restaurant, Hakim, 24 ans, s’octroie une pause clope. En contrat d’insertion, le jeune homme a été condamné à trois ans de prison pour « stups et défaut de permis ». Sa peine prendra fin le 6 janvier 2023. Elle a été aménagée — il a un bracelet électronique — grâce à son embauche à L’Après M. Comme de nombreux jeunes des quartiers alentour — il vient de la cité des Flamants —, il s’était tourné vers le trafic de drogue faute de « projection de vie. Je n’allais pas à l’école, malheureusement ».

L’Après M, fast-food du quartier de Saint-Barthélemy dans le 14e arrondissement de Marseille, sert à nouveau la clientèle depuis le 10 décembre. Ici, l’équivalent du sandwich mythique de McDonald’s a été rebaptisé « Maouss costo », le menu enfant « Minot » et le sandwich au poisson « Pescadou », en provençal dans le texte. Les prix sont abordables : de 7,50 à 9,60 euros pour les menus. Mais surtout, l’Après M est un « fast-food social » — il a ouvert avec 30 salariés, dont 23 en insertion — né grâce à une lutte acharnée.

Premiers clients à L’Après M le soir de l’inauguration officielle le samedi 10 décembre 2022.

Tout s’est passé très vite. En 2019, le Macdo d’alors n’étant plus assez rentable, il a été mis sous liquidation judiciaire — malgré la lutte des salariés qui voulaient sauver 70 emplois. En 2020, les salariés et des soutiens ont réquisitionné le lieu, devenu une fourmilière de projets solidaires« on aide 600 à 700 familles par semaine », nous explique Mohamed Fahem, coordinateur des distributions de colis. Et voilà qu’aujourd’hui, on y sert à nouveau des burgers.

Le fast-food, et surtout ceux qui ont permis son existence, est adoubé de toute part. Les habitants de ces quartiers ont conquis « le droit d’exister dans une ville qui pendant trop longtemps ne les a pas regardés », a lancé le maire de Marseille (DVG, ex-socialiste) Benoit Payan lors de l’inauguration officielle, le 10 décembre. Outre le député insoumis local Sébastien Delogu, le chef trois étoiles Gérald Passédat complétait la liste des officiels à la tribune. C’est lui qui a créé la recette de « l’Ovni », deux tranches de pain soudées en forme de soucoupe volante fourrées de bœuf ou de poisson.

« Ne pas pointer du doigt, tendre la main »

Tandis que Macha, une réfugiée ukrainienne, nettoie le sol, Sophia prépare la caisse. La jeune femme dit avoir perdu plusieurs de ses anciens boulots dans l’hôtellerie parce qu’elle est mère célibataire d’un petit de 6 ans. « Quand tu as ton fils malade, une fois, deux fois... À la quatrième fois tu es mise dehors », dit-elle. À L’Après M elle se réjouit de bénéficier d’horaires aménagés compatibles avec sa vie de famille. « C’est plus chaleureux qu’avant. On pense aux humains et pas aux bénéfices », se réjouit celle qui fréquentait l’ancien McDonald’s comme cliente.

« On ne veut pas que les salariés fassent des burgers comme des moutons. On leur propose une formation complète pour qu’ils puissent ensuite voler de leurs propres ailes », explique Kamel Guemari, ancien délégué syndical Force ouvrière et leader de la réappropriation. Son mantra : « Ne pas pointer du doigt, tendre la main. » Un écho à son histoire personnelle. Il est entré au McDonald’s à 16 ans, en 1998. « J’étais en échec scolaire. J’avais du mal à lire », rembobine celui qui était directeur adjoint jusqu’au douloureux conflit social. Désormais, il cite le philosophe Michel Foucault pour définir l’expérimentation en cours : « C’est une hétérotopie. Là où on réalise nos rêves. Comme on le ferait dans une cabane d’enfant. »

Un spectacle pyrotechnique pour l’ouverture en grande pompe de L’Après M, trois ans après la liquidation judiciaire du restaurant.

Président de la Scic (société coopérative d’intérêt collectif), il a fait le choix de rester bénévole pour accompagner la structure jusqu’à sa rentabilité. Le démarrage a été permis grâce à une souscription populaire. Lancée au printemps 2021, initialement pour racheter le lieu, elle a permis de rassembler près de 100 000 euros grâce à plus de 3 700 souscripteurs.

Un lieu solidaire « par et pour les quartiers »

« On vient de passer une étape cruciale. On a redonné vie à ce lieu par et pour les quartiers », s’enthousiasmait Yazid Bendaïf lors de l’inauguration. Dans la continuité de son engagement à L’Après M pour transformer les abords du lieu en jardin nourricier, le sexagénaire a fondé l’association Terre d’entraide et de partage. Celle-ci crée des potagers dans les 13 et 14e arrondissements et veut désartificialiser des sols de ces quartiers. « Quand je suis arrivé ici en 1967, il n’y avait que des fermes autour. Après, des bidonvilles, puis la bétonisation des hauts de Marseille ont recouvert le maraîchage », témoignait-il dans un diaporama sonore diffusé sur grand écran lors de la cérémonie d’inauguration.

Les militants de L’Après M n’ont pas fini de lutter. Au surlendemain des réjouissances de l’inauguration, une longue file d’attente se formait le long de la façade repeinte en un motif camouflage bleu et mauve. « C’est la première fois que je viens. La vie est devenue si chère », souffle une dame avec un enfant en bas âge dans une poussette. Des containeurs ont été installés sur le parking pour stocker les denrées qui seront distribuées gratuitement. Les bénéfices de l’activité commerciale de l’Après M doivent financer les activités sociales et l’achat de denrées locales et bio. « C’est unique au monde ça non ? Au lieu de pratiquer l’évasion fiscale, nos bénéfices iront directement aux plus souffrants », dit, avec fierté, Mohamed Fahem, coordinateur du Village des initiatives d’entraide (VIE).

Yazid Bendaïf, bénévole à L’Après M et fondateur de l’association Terre d’entraide et de partage.

Dans quelques mois, le lieu devrait accueillir toute une chaîne de transformation, jusqu’à l’installation d’un méthaniseur associé à un générateur électrique pour créer de l’électricité grâce au compostage des déchets. « La conserverie populaire permettra de trier les fruits et légumes trop mûrs ou abîmés pour préparer des soupes, des confitures et même des produits secs », prévoit Fathi Bouaroua, le président de l’association La part du peuple, qui encadre le VIE. Pourquoi populaire ? « Les gens qui participeront aux transformations repartiront avec la moitié. L’autre moitié sera ajoutée à la composition des colis alimentaires », détaille celui qui fût directeur régional de la fondation Abbé Pierre. Une cuisine professionnelle complétera l’ensemble, pour préparer des repas chauds distribués aux personnes de la rue.

L’équipe du restaurant espère également améliorer la qualité et la diversité des produits servis. Pour l’instant, la plupart des ingrédients sont surgelés, à part ceux de l’Ovni. « L’urgence c’était de recréer de l’emploi. On aimerait proposer un sandwich végétarien et puis améliorer les approvisionnements, notamment pour les frites avec une production locale. Mais il faut qu’on le fasse sans flinguer les marges », détaille Pierrick, un cuisinier écolo qui soutient bénévolement L’Après M.

Kamel Guemari soutient les salariés en cuisine lors de l’inauguration.

Au bord du bruyant rond-point du chemin de Sainte-Marthe, L’Après M affiche fièrement son nom avec des lettres réagencées de l’enseigne du feu McDonald’s. « C’est une œuvre d’art collective qui ne peut pas être désolidarisée de son socle qui est le restaurant », précise avec malice Pierrick, qui est aussi membre de la compagnie Rara Woulib qui a relooké le resto. En d’autres termes, la multinationale, qui était chagrin que l’on utilise son nom, même détourné, aurait bien du mal à chercher des noises à ce qui est désormais une « œuvre d’art », enregistrée officiellement comme telle. Une sorte de détournement artistique qui symbolise la reprise en main sociale et écologique en cours.

… nous avons un petit service à vous demander. Chaque mois, plus d’un million de personnes font confiance au travail des journalistes de Reporterre pour se tenir informées sur l’urgence écologique. En 2021, plus de 27 000 de ces lectrices et lecteurs ont financé le journal par des dons. Ce soutien permet à Reporterre de rester en accès libre, sans aucune publicité, et totalement indépendant. Contrairement à de nombreux autres médias, Reporterre n’a pas d’actionnaires ni de propriétaire milliardaire. Le journal, à but non lucratif, est libre de toute influence commerciale ou politique.

Nous avons la conviction que le ravage écologique est l’enjeu principal de ce siècle. À ce titre, il nous semble que ce sujet doit être mis en avant chaque jour dans le débat public. Les articles, reportages et enquêtes que vous pouvez lire sur le site sont vitaux pour la démocratie, pour la prise de conscience écologique, et pour exiger mieux de nos dirigeants.

Tous nos articles sont en accès libre, pour tous. Nous le faisons parce que nous croyons en l’égalité de l’accès à l’information. Ainsi, davantage de personnes peuvent suivre l’actualité de l’écologie, comprendre l’impact du désastre en cours sur la population, et agir. Tout le monde peut bénéficier d’un accès à des informations de qualité, quelle que soit sa capacité à payer pour cela.

S’il y a bien un moment pour nous soutenir, c’est maintenant. Chaque contribution, grande ou petite, renforce notre capacité à porter l’écologie au cœur de l’agenda médiatique et politique, et assure notre avenir. Même pour 1€, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Si vous le pouvez, soutenez le journal avec un don mensuel. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner

Sur le même thème

mercredi 14 décembre 2022

La Marseillaise / Pourquoi pas ?


 

J'avoue que mon passé de footeux qui trouve son origine à une époque où mes modèles se nommaient Brito, Carlos Alberto, Clodoaldo, Everaldo, Felix, Gerson, Jairzinho, Pelé, Piazza, Rivelino, et Tostao et dans un club de la banlieue parisienne ( les 92 , 93 n'existaient pas encore...) , sur un terrain bosselé sur lequel frapper dans un ballon graissé pour assurer son étanchéité demandait un effort proportionnel à son poids pourraient me servir d'excuses .

Ma réponse aurait du être celle ci :
 
 
 
et pourtant si je ne serai pas présent ce soir au café du village pour regarder une pinte à la main un prometteur Maroc /  France qualificatif pour la Finale de cette coupe du monde Qatarienne , c'est parce que je me suis engagé depuis des mois à partager un spectacle d'une toute aurtre nature avec ma chère et tendre .
 
Aussi pour manifester symboliquement mon opposition à cette manifestation qui verra des millions de francophones soutenir notre vaillante équipe nationale en entonnant l'hymne du même bois , ai je décidé de porter à la connaissance de nos concitoyen-ne-s cette version   post Rouget de Lisle.
 

 
 
Allez les Bleus !

samedi 3 décembre 2022

Coucoo au revoir


Les hymnes c'est pas mon truc.

... sauf quand c'est un hymne à la Nature qui se défend .

 



vendredi 2 décembre 2022

Nucléaire : On vous refuse la parole prenez la !



Comme disait Ferré : " Moi Monsieur la parole on ne me la donne pas , je la prends quand je dois et j'ai envie de la prendre ."

Dont acte :

 


 

 

LE FILM
Notre Terre Mourra Proprement

Faites circulez le lien : https://youtu.be/G-dvPRtFGGY ! Plus qu’un film, Notre Terre Mourra Proprement est avant tout un outil d’éducation populaire. Il est essentiel qu’un maximum de personnes connaissent et se réapproprient l’histoire sociale de l’industrie nucléaire, et tout particulièrement de ses déchets, que les populations rurales n’ont jamais acceptés. Vous pouvez organiser vous-même une projection, n’hésitez pas à nous le faire savoir : comite_centrales[at]riseup.net.

Ce film amateur a été réalisé sans financement, avec les moyens du bord. Si vous avez apprécié le film et si vous souhaitez nous soutenir nous avons besoin d’acheter du matériel et de financer nos déplacements vous pouvez faire un don à notre association en cliquant ici.

 

APPEL à Doléances Atomiques

Toutes les informations sur l’appel à Doléances Atomiques ici : https://blogs.mediapart.fr/doleances-atomiques

 

LA TOURNÉE
Réveiller les esprits antinucléaires

mercredi 30 novembre 2022

Encore un Noël de Merde par la faute du R.N.et du S.C.P.N. !

 



Après une offensive venue de l’extrême droite, avec d’abord un tweet mensonger, samedi, du député Rassemblement National Grégoire de Fournas , la Fnac avait choisi de retirerde la vente Antifa , le jeu , création militante des éditions Libertalia en collaboration avecle collectif La Horde.

Récit d'un rétropédalage...


 Présentation du jeu : La vidéo



 

Présentation du jeu par l'éditeur

Stock épuisé . 4000 exemplaires vendus Prix 25 €

...  Pas tout à fait : 119 € comme neuf sur Racket Ultime

 

 A noter

Avec  275 millions d'exemplaires vendus !

 

 

Toujours disponible ...

 

 


lundi 28 novembre 2022

Lecture conseillée : " Voyage pour la vie "

 Le voyage pour la vie

 

 La grande histoire du Zapatisme

 

 A lire : " Voyage pour la Vie "

Communiqué en 6 parties des zapatistes en préparation de leur voyage en Europe . Concis et particulièrement éclairant sur les motifs de cet envahissement consensuel cinq cents ans tout juste après le soulèvement zapatiste , c'est à leur tour d'aller à la rencontre des luttes dans le reste du Monde.





jeudi 17 novembre 2022

Pourquoi Claudius est il mort ?

 Extrait


Nous avons appris par voie de presse que Claudius de Cap Blanc, de son véritable nom Jean-Claude Lagarde, a été retrouvé mort le 11 novembre dernier au pied de son œuvre phare au Prat d’Albis.

Selon ses proches, l’artiste se serait suicidé en réaction au saccage récent de son œuvre. Un arbre totem accompagné de plus de 1000 gravures de vulves sur lequel il travaillait depuis plus de 15 ans.



Claudius de Cap Blanc, pour le présenter brièvement, est un artiste ariégeois atypique. Créateur de l’affabuloscope au Mas d’Azil, il a surtout fait parler de lui en gravant des signes vulvaires sur la roche, ce qui ne lui a pas valu que des amis… mais ses proches garderont de lui le souvenir d’un grand artiste

Nous n’avons jamais eu le plaisir de le rencontrer mais, en 2009 à la naissance d’Azinat, il nous avait fait son auto-portrait.

Affabuliste à l’Affabuloscope, né à l’Acheuléen (1,3 million d’années) sait d’où IL vient, NE sait pas où IL va, mais y va en brûlant de la gomme à chaque pas.”

Claudius de Cap Blanc est né trois ans après la moitié du XXe siècle, l’année même où Staline faisait à l’humanité l’honneur de se retirer de la scène terrestre. Preuve qu’un important tournant s’amorçait dans l’histoire, et qu’une telle année ne pouvait qu’augurer un grand cru.

Après une enfance ordinaire où se perçoivent déjà les traits dominants de son caractère (ce sera un rebelle, un individualiste épris de liberté et de grands espaces, un insoumis, un insatisfait permanent à la recherche de l’absolu), Claudius fait des études qu’il se plaira par la suite à qualifier de « primaires», ajoutant: «Je n’ai rien appris à l’école, en tout cas rien de ce que je rêvais confusément d’apprendre». quelques boutons suppureux accrochés au menton, Claudius fixe ses yeux sur un horizon au-delà de l’horizon et se jette dans la vie active avec une avidité de loup. Il veut tout faire, tout apprendre, tout sentir, tout connaître, et croit puérilement qu’il va trouver «le vrai mode d’emploi de la vie» dans ces livres séculaires qui «parlent de la vérité»: Bible, Coran, Vedanta et autres marchands de zen ou de taoïsme.

Comme s’il voulait circonscrire tous les domaines du savoir, ce boulimique errant se plonge ensuite dans des domaines aussi variés que l’archéologie, la paléontologie, l’astronomie, la biologie, et surtout l’ histoire, en particulier celle du colonialisme qui lui révèle les irréductibles travers de l’humain conquérant, massacreur et donneur de «bonnes leçons».

Durant une dizaine d’années, vivant d’expédients, exerçant toutes sortes de métiers, on le verra peintre à Spokane (USA), laveur d’assiette dans le Quennsland (Australie), colporteur au Canada, baroudeur au Pérou, en Inde, en Afrique du nord, au Sri Lanka, en Israël, au Népal, à la Réunion,…

Ce grand périple, riche d’aventure et d’odeur, ne fait que ramener Claudius à lui-même, mais cette fois il sait, ou croit savoir, qu’il n’y a qu’une vérité: la sienne, et que c’est à chacun de la découvrir en la créant. Fort de cette trouvaille il rentre en France et décide de s’établir dans sa terre natale, l’Ariège. Il y crée au Mas d’Azil un univers métahistorique : l’Affabuloscope.


 

La mélancolie même ...

 Ce soir les glaces de la salle de danse d'Eleonora ne reflètent pas les petits rats ariégeois ( non il ne s'agit pas de desmans..) ...

Les plus consultés